jeudi 28 mai 2009

Communiqué de presse commun

Paris le 26 mai 2009



Sur la base d'une initiative citoyenne, un Collectif pour la promotion de la Laïcité s'est constitué, mobilisé contre l'accord du 18 décembre 2008 passé entre les représentants du Saint-Siège et le Gouvernement de la France.

Il rassemble des personnes physiques, des organisations particulièrement attachées à la promotion de la laïcité et des parlementaires (députés et sénateurs) depuis longtemps engagés dans la défense et l'affermissement de la forme républicaine du gouvernement et du caractère laïque de nos institutions.


Depuis ses origines républicaines, l'Université française est le gardien du caractère scientifique des contenus de ses enseignements. C'est ainsi que l'État détient le monopole de la délivrance des grades et diplômes universitaires nationaux. Le Conseil d'État a rappelé le caractère constitutionnel de ce monopole défini par la Loi du 18 mars 1880 et toujours confirmé depuis. Or, l'accord passé entre le Saint-Siège (présenté comme l'État du Vatican mais agissant en fait comme autorité religieuse) et le gouvernement français conduit à une remise en cause manifeste de ce monopole puisqu'il s'applique aux établissements catholiques privés de droit français.

En accordant ainsi à l’église catholique, et à elle seule, le pouvoir de délivrer des grades et des diplômes universitaires sur le territoire français, l'accord confère à une autorité religieuse des prérogatives de puissance publique contraires au principe de laïcité. L'accord contrevient directement à l'article 1er de la Constitution qui dispose que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Il enfreint également le préambule de la Constitution de 1946 ainsi que la Loi de 1905 de séparation des églises et de l'Etat, dont l'article 2 dispose que « la République ne reconnaît, ne salarié, ni ne subventionne aucun culte ».

Enfin, la publication de cet accord par décret est contraire à l'article 53 de la Constitution qui prévoit que tout traité international qui modifie la loi française ne puisse être approuvé que par voie parlementaire. Il serait aussi logique, à tout le moins, qu'un tel bouleversement de nos institutions fasse l'objet d'un débat de la représentation nationale.

Le gouvernement a néanmoins choisi de passer outre et de rendre exécutoire cet accord par un décret signé du Président de la République !

Cette forme viole la Constitution et bafoue la démocratie. Dès lors, ce décret doit être annulé !

C'est pourquoi le Collectif pour la promotion de la Laïcité déposera (dans le délai règlementaire des deux mois) un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État à fin d'annulation du décret 2009-427 du 16 avril 2009, paru au JO du 19 avril 2009.

Conférence de Presse : Mercredi 3 juin 2009 à 11 heures
Assemblée nationale
Entrée : 4 rue Aristide Briand
75007 PARIS

lundi 18 mai 2009

La Laïcité en danger

Le mouvement d’émancipation individuelle et citoyenne que représente la laïcité n’a cessé depuis ses origines de faire l’objet d’attaques plus ou moins directes de la part des clergés et des pouvoirs publics. Néanmoins, l’édifice était porté jusqu’à ce jour grâce à l’engagement républicain et laïque d’une bonne partie de nos élus, au soutien d’associations déterminées, et à l’attachement de la majorité de nos concitoyens à ce pilier de notre République.


Or, depuis quelques années les attaques directes se font plus vigoureuses, plus nombreuses. Certaines autorités publiques s’engagent délibérément et officiellement dans des voies clairement anti-laïques. Nous ne reviendrons pas sur les propos tenus par le Président de la République au Latran puis leur réitération à Ryad. Nous ne nous attarderons pas non plus sur les recommandations du rapport Machelon et les velléités de réformer la loi de 1905, ni sur la commande qui fut faite à Madame Veil de préconiser l’introduction dans notre Constitution du principe de diversité, qu'elle récusa clairement.


L’objectif présent du collectif est de riposter à la dernière attaque contre la laïcité et le principe constitutionnel de monopole de la délivrance des grades universitaires.


Le 18 décembre dernier la France a signé avec le Saint Siège un traité international permettant aux établissements d’enseignement supérieur habilités par la Congrégation pour l’éducation catholique de délivrer des grades et des diplômes. Il ne s’agit pas dans le cas présent d’une simple reconnaissance d’équivalence comme il en existe avec les Etats européens, mais d’une capacité nouvelle donnée à un Etat étranger (le Vatican) de délivrer des grades et des diplômes sur le territoire d’un autre Etat souverain (la France). Le protocole additionnel précise que « les Universités catholiques et les établissements d’enseignement supérieur dûment habilités par le Saint Siège » et établis sur le territoire français pourront délivrer l’ensemble des diplômes et grades dans toutes les spécialités (Histoire, Mathématiques, Physique, Science Sociale, Science Naturelle, Droit,…).


Cet accord contrevient également au principe constitutionnel de séparation des églises et de l’Etat, car il confère aux autorités ecclésiastiques un pouvoir exorbitant du droit commun sur le territoire français puisqu’elles auront autorité pour faire délivrer des grades et diplômes français en lieu et place de l’Etat. Cet accord international et le décret qui en assure la publication sont donc illégaux car directement contraires à plusieurs normes constitutionnelles et législatives françaises. Le Gouvernement a par ailleurs violé la Constitution en estimant qu’il pouvait ratifier cet accord sans en demander l'habilitation au Parlement par une loi. Le Gouvernement était par conséquent incompétent pour procéder à la ratification de ce traité.

Le collectif entend donc saisir le Conseil d’Etat d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation du décret publiant l’accord intervenu avec le Vatican. Seule cette voie contentieuse sera à même de préserver la laïcité et le respect du monopole de délivrance des diplômes et grades universitaires.


Pour le Collectif

Marc Antoine

Courrier au Premier Ministre

Vous pouvez interpeller le gouvernement en vous inspirant du courrier que nous venons d'envoyer. Plus nous serons nombreux à le faire, plus notre interpellation aura de poids symbolique. A vous de jouer...



Monsieur le Premier Ministre

Hôtel Matignon

57, rue de Varenne

75007 Paris

Paris, le 18 mai 2009


LR / AR


Objet :Décret n°2009-427 du 16 avril 2009

Recours administratif


Monsieur le Premier Ministre,


Par un décret n°2009-427 du 16 avril 2009 publié au journal officiel du 19 avril suivant vous avez assuré la publication d’un accord entre la République française et le Saint-Siège relatif – à en suivre la seule dénomination - à la reconnaissance des grades et diplômes dans l'enseignement supérieur, accord signé à Paris le 18 décembre 2008.
Ce
décret, pour les motifs ci-après développés, me semble illégal et je vous invite donc à l’abroger.

Par une décision d’assemblée du 3 février 1989 qui est venu préciser et étendre la portée d’une précédente décision du 10 janvier 1930 (CE, Despujol, Rec. CE, p.30 D. 1930 III 41 Note Alibert), le Conseil d’Etat a en effet jugé que « l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dés sa signature, soit que l’illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date » (CE Ass., Alitalia, Rec. CE p.44, concl. N. Chahid-Nouraï, RFD adm. 1989 p.391). D’une façon générale, l’abrogation d’un règlement illégal s’impose de ce fait toujours à l’administration, soit qu’il ait été illégalement édicté ou qu’il soit devenu illégal par suite d’un changement dans les circonstances de droit ou de fait Cette abrogation peut ainsi se faire à toute époque, soit par l’administration elle-même agissant de sa propre initiative, soit sur la demande de personnes intéressées par cette abrogation.

Tel est l’objet de la présente demande.

D’une part, je vous rappelle, Monsieur le Premier Ministre, qu’examinant ce qui deviendra la loi de 1984, le Conseil d’Etat a considéré que «le principe suivant lequel la collation des grades est réservée aux établissements publics d’enseignement qui remonte à la loi du 16 fructidor an V et que les lois de la République n‘ont jamais transgressé depuis 1880 s‘impose désormais au législateur aussi a-t-il disjoint du projet de loi sur l’enseignement supérieur un titre autorisant le ministre chargé de l’enseignement supérieur à accréditer des établissements privés à délivrer des diplômes nationaux » (avis publié in E.D.C.E. 1987, p. 138).

Ainsi, s’agissant du monopole de la collation des grades, il n’y a aucune rupture mais tout au contraire une constance et une filiation sans faille entre la loi de 1880 et la loi Savary de 1984. Depuis le début du XIXème siècle ce monopole est de ce fait considéré comme étant consubstantiel à la reconstruction de l’université impériale de 1808 puis républicaine.

C’est ce monopole que l’article 17 de la loi du 26 janvier 1984 puis l’article 137 de la loi du 18 janvier 2002, dont est issu l’article L 613-1 du code de l’éducation, viendront consacrer en disposant on ne peut plus clairement que « l’Etat a le monopole de la collation des grades et des titres universitaires ».

Ce principe, à valeur constitutionnelle (ainsi que la doctrine la plus avertie a pu le relever - conf. par ex. Y. Gaudemet, Les bases constitutionnelles du droit universitaire, RDP 2008/3 p.680 ets., spec. p.696), s’impose donc au législateur et a fortiori au pouvoir réglementaire qui ne pouvait donc en aucune façon ratifier l’accord intervenu avec le Vatican sans avoir préalablement fait réviser la Constitution. Or, tel n’a pas été le cas.

Pour ce premier motif, le décret2009-427 du 16 avril 2009 a donc été édicté à l’issue d’une procédure irrégulière.

D’autre part, l’article 53 de la Constitution imposait au Gouvernement de procéder à la ratification de l’accord seulement après en avoir été dûment habilité par la loi. Cet article dispose que les accords internationaux « qui modifient des dispositions de nature législatives […] ne peuvent être ratifiés ou approuvés que en vertu d’une loi ». Or, je constate que l’accord dont le décret précité assure la publication prétend bien modifier notamment l’article L.613-1 du code de l’éducation. Il ne pouvait donc être ratifié qu’après habilitation législative.

Enfin, l’article 34 de la Constitution dispose que « la loi détermine les principes fondamentaux : - de l’enseignement ». La définition de l’autorité chargée de délivrer les grades et diplômes relève des principes fondamentaux organisant l’enseignement et doit donc faire l’objet d’une loi pour pouvoir être modifiée.

Il en résulte, Monsieur le Premier Ministre, que vous étiez à l’évidence incompétent pour ratifier sous forme simplifiée un accord international ayant pour effet de modifier des dispositions de natures législatives et constitutionnelles. En y procédant néanmoins, vous avez entaché votre décision d’incompétence et ce faisant d’une illégalité externe qui en justifiera, le cas échéant, la censure par la juridiction administrative.

J’ajoute, Monsieur le Premier Ministre – et sans que cela soit à ce stade décisif – que l’allégation suivant laquelle cet accord n’aurait pour unique objet que d’assurer la reconnaissance des grades et diplômes dans l'enseignement supérieur conformément au processus dit de Bologne, relève d’une véritable dénaturation de l’objet de celui-ci.


L’accord international joint au décret précité accorde en effet au clergé catholique le pouvoir d’organiser sur le territoire français un enseignement à l’issue duquel peuvent être délivrés des grades et des diplômes.

L’article 2 de cet accord attribue ainsi à la Congrégation pour l’Education catholique autorité pour arrêter la liste des institutions, des grades, et des diplômes que l’enseignement catholique délivrera en France. Cet accord contrevient donc directement au préambule de la Constitution de 1946 qui dispose dans son 13ème alinéa que « l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l’Etat. » Il est également contraire à l’article 1er de la Constitution de 1958 qui dispose que « la France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale ». L’attribution de prérogatives de puissance publique aux organisations représentantes d’une autorité religieuse enfreint les principes constitutionnels de laïcité.

Qu’en sera-t-il lorsqu’un autre Etat, représentant également d’une autre communauté religieuse, sollicitera de pouvoir délivrer les mêmes diplômes universitaires ?

Ainsi, contrairement à ce que la lettre du décret attaqué laisse supposer, celui-ci n’a nullement pour objet d’assurer la reconnaissance de diplômes entre Etats – ce qui supposerait leur délivrance préalable ! – mais bien d’autoriser un Etat étranger qui plus est théocratique à délivrer des diplômes profanes sur le territoire de la République ce qui, vous en conviendrez, n’est pas sans poser de nombreux problèmes moraux, diplomatiques, politiques et philosophiques.

Tels sont les éléments, Monsieur le Premier Ministre, que je désirais porter à votre connaissance et au regard desquels je ne doute pas que vous en déduirez que le retrait du décret 2009-427 du 16 avril 2009 s’impose.

Si tel n’était pas le cas, j’envisagerais de saisir le Conseil d’Etat d’un recours tendant tant à l’annulation du décret attaqué que de la décision elle-même, et plus vraisemblablement celle implicite que vous jugerez nécessaire d’opposer à la présente demande.

Je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, en l’expression de ma haute et déférente considération.



Le Collectif pour la promotion de la laïcité.

(A remplacer par votre nom)



Prénom, Nom

Adresse

Agir ensemble

Le collectif né il y a moins de trois semaines en vue de répondre vigoureusement à la plus récente atteinte commise par le gouvernement contre la laïcité prend une certaine ampleur tant par la quantité que par la qualité de ses membres.

Nous sommes à ce jour 15 citoyens, 13 associations représentant plus de 110 000 membres et 14 parlementaires prêts à saisir le Conseil d'Etat d'un recours en annulation contre le décret publiant l'accord avec le Saint-Siège. Cette initiative est également soutenue par plus de 6000 personnes qui ont signé la pétition que le Comité 1905 avait initié dés janvier dernier.

Si vous aussi vous souhaitez comme nous défendre le République laïque plusieurs formes d'actions sont possibles. Vous pouvez :

-Faire connaître par mail à votre entourage les atteintes portées à la laïcité et les actions que le collectif engage.

-Signer la pétition du collectif (proposée sur le site du comité 1905).

-Ecrire au Premier Ministre (et/ou au ministre des Affaires étrangères) en lui demandant de retirer son décret illégal. Vous trouverez à la suite du message une copie du courrier que l'équipe du collectif a élaboré et que je viens d'envoyer. Plus nous serons nombreux à envoyer les mêmes courriers, plus nos actions pèseront. Vous pouvez si vous le désirez faire référence à l'action du Collectif pour la promotion de la laïcité.

-Ecrire à vos Parlementaires en leur suggérant de revendiquer le respect de leurs prérogatives et d'imposer en conséquence au gouvernement de déposer un projet de loi avant toute ratification de l'accord avec le Saint-Siège. Vous pouvez utiliser la trame du courrier adressé au premier ministre. Les coordonnées de vos parlementaires sont disponibles sur le site de l'Assemblée Nationale (http://www.assemblee-nationale.fr/) et du Sénat (http://www.senat.fr/).

-Saisir le Conseil d'Etat avant le 19 juin 2009 (date de forclusion) d'un recours en annulation contre le décret publiant l'accord avec le Saint-Siège. Nous mettrons prochainement (5 juin) en ligne à votre disposition une requête type qui vous permettra de saisir le CE. La procédure est simple et gratuite, elle vous sera également décrite.

PS : Nous vous serions reconnaissant de bien vouloir nous informer par mail (marc.antoine.an@gmail.com) des actions et courriers que vous enverrez afin que nous puissions évaluer globalement la portée de chacune des actions.